mardi 27 janvier 2009

Mardi 27 janvier 2009
Allez, je vous emmène au Brésil. Quand ça n’est pas la tempête, il fait un petit temps glacial et grisailleux, janvier n’en finit pas... il fait un temps de grève et de (légitimes) revendications sociales : c’est le moment d’aller loin au sud au moment où personne n’y va, dans cette entre saison morte où les prix sont bas et les voyageurs rares. J’ai toujours aimé cette sensation d’aller à contresens de la ruée, de travailler en août, par exemple, et de partir en septembre ou en octobre, de croiser les vagues de ceux et celles qui rentrent de la récréation. Les vacances formatées c’est encore le boulot, le boulot de se conformer qui est une tâche harassante. Et notez que je ne pars pas au Brésil pour prendre des vacances mais pour travailler, un travail qui ressemble à s’y méprendre à des vacances car, au Brésil, on sait faire du temps un allié. On n’est pas en guerre avec la montre, on prends le temps, ça ne sont pas les “horaires” qui vous prennent et cela, déjà, suffit à dessiner un autre quotidien: le travail peut devenir une forme de jeu, un jeu de rencontres, un jeu de défis à relever de manière assez ludique, ce qui fait qu’on a l’impression, quoi qu’on y travaille (et qu’on y travaille bien), d’être en vacances, en vacances de la course, de la crispation et de la meute des démarches administratives qui nous harcèlent.

Alors partons au Brésil, si vous voulez bien, sinon en réalité du moins en virtualité. Internet permet ce genre de fantaisie: un journal de voyage tenu en temps réel, expédié de l’autre bout du monde et tout de suite disponible. Relèverai-je le défi ? C’est un jeu. J’essaierai d’être précis pour vous faire participer à l’aventure et pour partager un peu de cet émerveillement, de cet enchantement que le Brésil suscite toujours en moi, presque 30 ans après le premier contact.

Je ne pars pas au Brésil pour me promener mais pour me tailler une petite place dans cette “Année de la France” qui va bientôt y commencer. Et j’y pars en outsider, sans filets, sans “label”, sans appui officiel ce qui n’est pas forcément pour me déplaire. J’y pars en chasseur de primes à titre individuel en lonesome cow-boy de l’action culturelle. Après trente ans dans l’axe France-Brésil et d’innombrables projets et réalisations culturelles croisées j’aurais pu légitimement espérer une médaille en chocolat et une quelconque forme de reconnaissance, mais voilà, il aurait sans doute fallu fréquenter davantage de cocktails, ingérer force chips, cacahuètes et autres “saletés salées” (comme dit Fred Vargas), arrosées de mauvais champagne, tournicoter dans les allées du pouvoir, astiquer quelques pompes. J’avoue une certaine incompétence dans ce domaine.

Je me souviens, en cet instant, de l’époque (en 2004) où nous étions en train d’essayer de faire labelliser le beau projet que nous avions imaginé pour “l’Année du Brésil en France”, cette fois, à Clichy-sous-Bois. J’accompagnai depuis plusieurs années déjà le beau travail de terrain qu’accomplissait et qu’accomplit toujourscontre-vents et marées, Claude Dilain (Le maire de Clichy-sous-Bois) et son équipe. Il me semblait que ça n’aurait pas été mal de voir figurer dans le programme officiel, l’effort tout spécial qu’une municipalité du fin fond de la Seine-Saint-Denis confrontée à de multiples urgences sociales faisait pour accueillir le Brésil. On avait à peine daigné me répondre: “Clichy-sous-Bois ? (c’est où ça ?)... on ne peut pas labelliser tout le monde. “ Un an après, jour pour jour, c’était l’explosion que l’on sait. Nous avons quand même réalisé le projet et tout s’est fort bien passé. Mais au moment des émeutes, je ne pouvais m’empêcher de repenser à cette petite forme d’exclusion symbolique qu’avions subi. Ça n’était qu’un épisode parmi d’autres, mais il était significatif et ce genre de petites gouttes accumulées finit toujours par faire déborder le vase de la frustration.

Escapade en solo au Brésil, donc, mais pas solitaire. Parce qu’il y a une équipe, même si elle travaille dans une certaine informalité. Daniela qui m’aide à produire tout cela (concerts, cds, sites, ce blog...) et qui permet que tout cela “se produise” et trouve peut-être, au milieu du brouhaha mondialisé, des oreilles et des yeux complices. Les musiciens avec qui je joue (et non pas qui m’accompagnent): Pascal et David à l’accordéon, Xavier aux percussions, Alfonso et Jean-Christophe à la guitare et, au Brésil, Maurinho à la flûte, Lelo aux claviers, Rodolfo à la basse, Sergio aux percussions... musiciens avec lesquels je compose, qui m’aident à mettre en forme mes intuitions musicales. Et puis les amis qui nous aident à administrer cette petite entreprise: Philippe, Paul, Serge...

Je pense à tout ça en ce petit matin tandis que le taxi fonce vers Orly. Il fait froid, un froid pénétrant. Décidément c’est le moment d’y aller. “Quand tu aimes, il faut partir” disait l’ami Blaise.
Le jeune chauffeur est un sympathique garçon d’origine maghrébine et qui anime une agréable conversation. Passionné de foot, il prendrait bien ma place pour aller assister à un match au “Maracana”.

C’est le destin du passager aérien que d’errer dans des ambiances douceâtres et niaises des aéroports, dans du duty free shop où d’écoeurantes odeurs de parfums se mélangent et où l’on peut acheter plus cher qu’ailleurs des produits “de marque”, des illusions de marques, des marques tout court. J’écris sur mes genoux ce blog dans la salle d’embarquement. On décolle à l’heure. Mon voisin est un jeune vendéen “guide de pêche” (Je ne savais pas que ça existait) qui s’offre 15 jours de vacances chez des amis entre São Paulo et Florianópolis. J’ai emmené avec moi Jack Kerouac dans la belle édition de la collection Quarto, c’est une bonne compagnie de voyage. En une petite éjaculation de kérosène nous voici déjà à Madrid. Il fait très beau à Madrid. Encore deux heures dans les whiskies détaxés et on s’embarque pour le Brésil, pour São Paulo. Allez, je vous y emmène.