samedi 14 février 2009




Mardi 10 février

Aujourd’hui, je l’avoue, j’ai fui le harcèlement digital (Internet, l’ordi, le portable...) et les réunions diverses pour me réfugier dans la forêt amazonienne au milieu des grands arbres et de quelques animaux amicaux. Car il y a une forêt en plein coeur de la ville à Belém. Je crois que c’est encore le Sénateur Lemos (grâces lui soient rendues encore une fois) qui a eu cette merveilleuse idée de créer ce “jardin botanique” qui n’est pas un parc ordonné mais, heureusement, un coin de nature vive et foisonnante. Je pénètre sous le couvert et, tout de suite, je me retrouve dans une température idéale, comme massé, embrassé accueilli et recueilli par cette masse mère végétale, cette matrice qui m’environne et m’enveloppe d’une douce caresse odorante. Très curieuse cette sensation d’être en pleine nature, d’observer les singes sauter de branche en branche, d’entendre les cris perçants des araras et en même temps de percevoir au loin la rumeur des camions et des autobus, le halètement éperdu de la ville machine. Guère de promeneurs en cet après-midi humide. Les sentiers sont détrempés, le sol est gorgé d’eau, les feuilles gouttent et les sous-bois exhalent des senteurs délicieuses.

J’ai déjeuné avec l’ami Renato au petit restaurant du “Bosque Rodrigues Alves” c’est le nom de cet endroit, l’appellation “Bosque” (Bois) étant, paraît-il une allusion au Bois de Boulogne dont le Sénateur Lémos se serait inspiré. Il est vrai qu’il y a un petit lac avec des barques, une fausse grotte et un pont qui pourrait y faire penser. Pour le reste, on est loin, très loin de la périphérie de Paris avec sa pauvre “nature” complètement domestiquée.

Ici, même en pleine ville, la forêt “parle”, est remplie de présences.

Renato, donc, est un agitateur culturel de terrain qui habite dans un quartier un peu excentré de Belém “Le Satellite”. Contre-vents et marées, il fait vivre depuis 10 ans un petit journal local, “O Sapo Cururú”, le crapaud Cururú (qui est un gros batracien), à la fois gazette locale et feuille revendicative car Renato ne fait pas mystère de son engagement politique à gauche. Le nom du journal est une allusion à une expression populaire: “pagar o sapo” (payer le crapaud) cela veut dire, d’après ce que je comprends, demander des comptes, ne pas se laisser faire, répliquer, riposter... Autour de son petit canard, Renato organise des événements culturels. Par chance, sa candidate (du PT, le parti de Lula) a gagné les dernières élections pour le gouvernement de l’état (du Pará) ce qui lui donne un peu (à peine) plus de marges. Depuis plus de 6 ans, il accompagne mon travail culturel dans la région, mes concerts, mes ateliers. Et je vois, à ses observations, qu’il a attentivement écouté mes textes et chansons. On ne sait jamais exactement l’effet que produit un concert ou une intervention publique. Parfois on a l’impression que tout cela sera vite oublié, que ça glissera comme un pet sur une toile cirée et puis des années après on constate que cet “instant dans la vie d’autrui” aura eu des répercussions, une certaine importance et que l’on ne s’est pas efforcé en vain.

De même le “Sapo Cururú”. L’initiative paraît modeste. Mais attention aux initiatives modestes, surtout si elles sont conduites avec passion et compétence: elles peuvent avoir de grandes répercussions.

Mais une cloche sonne au loin. Le “Bois” va fermer ses portes. Il faut se diriger vers la sortie et retrouver la grande avenue Almirante Barroso qui traverse la ville comme une blessure, avec ses meutes d’autobus fumants et rugissants, son trafic ininterrompu tout près cependant des singes des oiseaux et autres petits animaux du “Bosque Rodrigues Alves” qui sont maintenant complètement tranquilles dans leur oasis de luxuriance et de fraîcheur.