samedi 21 novembre 2009


Rio de Janeiro, le 16 novembre.

A peine arrivé à Rio, encore un peu fourbu de cette tournée et de ces voyages, de ces décalages horaires et culturels, je respecte une tradition mienne : je vais à la Casa da Feijoada à Ipanema car c’est dimanche.

Véritable temple du plat national Brésilien ce restaurant ne sert que de la Feijoada de la meilleure qualité. J’ai déjà eu l’occasion de parler de cette nourriture rituelle dans chapitre antérieur de ce blog, de toutes ces marmites de choses fumantes, délicieuses et diététiquement incorrectes qui peuplent la table à l’heure de la dégusation qui doit être lente, concentrée, religieuse.

Pour ma part j’aime la Feijoada « completa » avec toutes sortes de cochonailles : oreilles, pattes, abats divers et non identifiés, la formule carnivore et exagérée, précédée d’une caïpirinha, arrosée de bières, suivie d’une bonne sieste…

Rio aime le dimanche, avec ses après-midi à la plage et ses matches de foot en fin de journée. Il me semble que le Club Flamengo joue aujourd’hui car je vois beaucoup de gens qui arborent le t-shirt aux rayures rouges et noires. On assiste au match en groupe sur le trottoir, à la télé d’un bar voisin. C’est un prétexte à exclamations, rires et hurlements divers.
……

Le lendemain je retrouve l’autre côté de Rio, un peu moins glamour, un peu moins affriolant . Le téléphone qui ne marche pas, par exemple. La moitié des numéros (fixes) que je tente d’appeler sont en dérangement. On se croirait revenu 30 ans en arrière quand téléphoner était une opération éprouvante et hasardeuse : lignes « croisées » ( on entendait d’autres conversations en même temps que la sienne), communication « tombée » (brusquement interrompue), erreurs de destinataires (on arrivait ailleurs une fois sur troiss, on faisait même parfois connaissance avec des gens que le hasard des erreurs d’aiguillage, vous avaient fait contacter) etc….

Ces problèmes récurrents avec les téléphones fixes constituent sans doute une stratégie pour vendre davantage de portables (qui, eux, marchent très bien et sont hors de prix.) Le Brésil est, une fois de plus, soumis à l’oppression débridée des puissances d’argent.

Je cherche un studio avec un piano pour pouvoir travailler mes chansons. Je dois téléphoner à une bonne quinzaine de d’établissements pour pouvoir trouver enfin le studio qui semble convenir. Vers le soir, donc, je prends le métro, descend à la station Flamengo et tente de trouver la rue où se trouve le local de répétition. Avec un aplomb parfait et après avoir consulté un plan le vigile du métro m’envoie dans une direction parfaitement erronée. Je finirai bien par trouver ma rue après une bonne demie heure de marche. Mais la « ville merveilleuse » a fait place à une cité obscure d’avenues vides battues par les vents. L’éclairage public est précaire et oscillant. De temps en temps un ou une étudiante des cours du soir qui se hâte, les cahiers à la main. Au coin d’une rue un homme gît dans les détritus, ordure parmi les ordures. Est- ce qu’il dort ou est- ce qu’il est mort ? Ou plutôt est-ce qu’il frappe aux portes de la mort et qu’on lui refuse l’entrée ? « Tout l’étrange se fige », les abords sont plein de fantômes et d’ombres qui passent, d’âmes en peine qui errent dans la désolation. Je parviens finalement à mon studio, dans un vieux building immense qui ressemble un peu à ces immeubles où les détectives de Raymond Chandler et de Dashiell Hamett avaient leurs bureaux. Un portier aux yeux rouges somnole devant la télé, l’ascenseur bringuebalant fonctionne par miracle, toujours prêt à rendre le dernier soupir. L’éclairage est toujours aussi problématique et l’obscurité tenace. Tout est un peu sale et abandonné. Corridors vides. J’arrive enfin à destination. Un jeune couple m’accueille dans un vaste local encombré de meubles et de matériel entassé à la diable, lui aussi plongé dans un semi-pénombre.

Je peux enfin m’installer en tête à tête avec le piano et travailler mes musiques pendant deux heures qui s’envolent sans prendre garde puis prendre une soupe dans un petit restau de quartier. Avant de rentrer ici « autour de minuit » dans ce climat singulier et légèrement inquiétant du Rio nocturne.