mercredi 28 janvier 2009



Mercredi 28 janvier 2009, São Paulo.

Je l’avoue : j’aime São Paulo. Peut-être pas au point d’y vivre, quoique... Mais j’aime cette grande énergie qui vous cueille dés la sortie de l’avion, dés les allées de l’aéroport, cette sensation de turbine à plein régime, d’orchestre qui joue juste et bien placé, de travail en fanfare, d’envie d’entreprendre, d’appétit de faire...et cela sans crispation inutile, en gardant tout de même un peu de cette décontraction brésilienne qui est tout un art de vivre, toute une façon de prendre la vague, une manière d’affronter l’adversité comme un adepte de la capoeira, en souplesse, en concentration, en précision.

J’aime la compétence de SãoPaulo, ce désir qu’ont les gens d’avancer dans leurs projets et de prendre les moyens pour ce faire. J’aime travailler à São Paulo et c’est sans doute ce que l’on y fait de mieux. A chaque fois que j’ai joué et enregistré ici j’ai pu mesurer l’efficacité et le talent de São Paulo.

Bien sûr ça manque un peu de verdure, de silence et de sérénité. Mais on vient ici généralement pour réaliser, pour construire et concrétiser rarement pour se promener et s’abîmer dans la contemplation. São Paulo est une ville d’immigration : la plupart des gens qui y vivent viennent d’ailleurs, d’autres régions du Brésil, notamment du Nord et du Nordeste pauvres, et ils ont ensemble un pacte tacite : on est venu ici pour en découdre avec la vie, pour tenter quelque chose à tout prix, pour carburer à toute vapeur alors « on y va » sans arrières pensées.


Il y a quelques années de cela, j’avais produit un Cd du groupe Pau Brasil, un des plus formidables orchestres de musique instrumentale du Brésil qui pratique une espèce de jazz tropical très élaboré, pimenté et goûteux dans la veine des Hermeto Pascoal et des Gismonti (Avec lesquels ces musiciens ont joué) mais avec une créativité qui leur est propre . Ce Cd que je considère , toute modestie mise à part, comme un de leurs chefsd’oeuvres, s’intitule « Metropolis Tropical » et est une sorte d’hymne à São Paulo, à la démesure, à la noirceur et à la lumière de cette ville monstrueuse, (mais les monstres ont certains charmes), au souffle de cette cit é insomniaque et prométhéenne.

J’ai essayé d’exprimer aussi cela dans le texte « Planeta São Paulo » qui a été mis en son par un des musiciens et compositeurs emblématiques de São Paulo, le génial Lelo Nazario, alchimiste de sons synthétiques inouïs. (C’est à dire, étymologiquement, point encore entendus). Dans cet enregistrement, qui fait partie de mon Cd « Lettre-Océan », on peut entendre notamment Rodolfo Stroeter (le leader de Pau Brasil) à la contrebasse et la chanteuse Mônica Salmaso qui dit le texte en écho, en portugais.

Mais pour l’instant (20h30 de ce mardi 27 janvier) il pleut sur São Paulo, une pluie torrentielle à la mesure de la démesure de la ville, les abords de l’aéroport sont inondés, des piscines d’eau noirâtre se forment aux carrefours, taxis et bus foncent dans la tourmente.
Et c’est ainsi que je parviens chez Rosa, une amie « nissei » c’est à dire descendante de japonais (São Paulo est la ville japonaise la plus importante hors du Japon) qui occupe intelligemment sa retraite en soutenant et en participant à des projets culturels qui tournent notamment autour de l’oeuvre de l’ écrivain João Guimarães Rosa et c’est d’ailleurs cette passion commune qui nous a fait nous connaître.
Par la fenêtre j’entrevois la ville noyée sous l’averse et c’est berçé par le chant de la pluie que je sombre dans un agréable sommeil mérité.


Des extraits de mon cd "Lettre-Océan: carnet des voyages aux Brésils" sont en écoute sur www.myspace.com/fredericpages

La chanteuse qui me donne la réplique (vocalement parlant) dans la vidéo de « Café Poussière », s’appelle Gaëlle Cotte.
Elle chante avec moi sur scène dans mon spectacle « Lettre-océan ». Elle développe aussi un très beau travail personnel de « chansons françaises du monde ». Rendez lui visite sur www.myspace.com/gaellecotte